Pratique de la geloformation

  HUMOUR ET « FRANÇAIS LANGUE ÉTRANGÈRE »   par Hugues LETHIERRY Professeur de Philosophie et Sciences de l’éducation à l’IUFM de Lyon   « Ci n’entrez pas, hypocrites, bigots , Vieux matagots marmiteux boursouflés, torcous , badauds, plus que n’étaient les Goths, Ni Ostrogorhs, précurseurs des magots Hères, cagots, cafards empantouflés Gueux mitouflés , frapparts écorniflés Beffés , enflés, fagoteurs de tabus Tirez ailleurs pour vendre vos abus… » Rabelais, Gargantua     « Et voici les prêtres du rire Scarron noué dans les douleurs, Ésope que son fouet déchire Cervantès au fer, Molière en pleurs. Entre Démocrite et Térence, Rabelais que nul ne comprit. Il berce Adam pour qu’il s’endorme Et son éclat de rire énorme Est un des gouffres de l’esprit. » V. Hugo, Les Contemplations     Après avoir introduit le sujet à l’aide de notre expérience personnelle, nous aborderons successivement : – les obstacles et paradoxes d’une utilisation de l’humour dans l’apprentissage (des langues en particulier) et la résolution des conflits. – les objectifs de dépassement des clichés et stéréotypes pour respecter l’identité de chacun et son altérité. – les concepts théoriques (rires de Deleuze et Bergson), les notions d’humour et d’ironie, de rire et de sourire. – les fonctions du dess(e)in d’humour et de presse. – enfin des exemples pris dans les domaines de la grammaire, la phonétique et la lexicologie   • INTRODUCTION :  L’HUMOUR INVOLONTAIRE L’humour est toujours « déjà-là », à l’état involontaire, dans nos expériences éducatives, en particulier lorsqu’elles se situent dans un cadre interculturel. Si j’ose prendre mon exemple personnel, j’ai pu le constater en coopération en Algérie de 1968 à 1971, en enseignant le français, langue étrangère privilégiée à Oran, Sidi-bel-abbès et Mascara. Des malentendus tragi-comiques peuvent naître au moment où on s’y attend le moins. Par exemple je m’attendais à des réac- tions face au vers du Cid : « Du sang des Africains, il a fait son triomphe ». Mais les élèves devaient penser qu’il s’agissait des noirs ! Parfois ils riaient, par exemple dans la scène de Dom Juan (de Molière) où le héros reçoit son créancier. Mais ce n’était pas toujours aux moments prévus. Dom Juan interrompt son hôte en lui demandant des nouvelles de toute sa famille, afin de ne pas avoir à répondre de ses dettes. C’est cela qui, pour nous, est drôle. Mais le passage qui faisait rire les élèves était celui où il l’interrogeait plus spécialement sur sa femme parce que cela signifiait pour eux que le créancier était cocu. Ceci au lycée. Au collège, je m’approche un jour d’un élève qui riait en feuilletant un livre. Il s’agissait du catéchisme ! Le motif de son hilarité ? Le fait de lire que le fils de Dieu était né d’une femme vierge ! Lui, l’élève, et moi, le professeur, avons donc ri ensemble mais surtout l’un de l’autre. Dans de nombreux voyages par la suite, en particulier dans les rencontres internationales du mouvement Freinet (au Japon et en Autriche) ainsi qu’ailleurs, j’ai pu noter aussi des traductions hilarantes que j’ai complétées par des lectures. Par exemple : – Sur un tube de crème pour les mains : « Adoucit et conditionne la peau sèche. Redonne la douleur. » (Soothes and relieves dry skin. Restores softness). – Étiquette d’une chemise : « Aimable bicyclette ». (Gentle cycle). – Étiquette d’un chandail : « Fait en Dinde ». (Made in Turkey). – Sur un paquet de gâteaux : « Sans glouton ». (No gluten). – Dans le lobby d’un hôtel de Bucarest : « L’ascenseur sera en réparation le prochain jour. Pendant ce temps, nous regrettons que vous soyez insupportables ». – Dans un hôtel d’Athènes : « On s’attend à ce que les visiteurs se plaignent au bureau entre 9 h et 11 h A.M. tous les jours ». – Dans un hôtel japonais : « Vous êtes invité à profiter de la femme de chambre ». – Dans un livret d’information japonais sur l’utilisation de l’air climatisé d’hôtel : « Refroidit et réchauffe : si vous voulez la condition juste de chaleur dans votre chambre, veuillez vous contrôler ». Le problème n’est donc pas : « humour ou non » afin de gérer d’éventuels conflits, de les dépasser, de les déplacer. Mais : faut-il subir les effets comiques involontaires liés à l’interaction entre deux étranges étrangers. Ou bien, pourquoi ne pas prendre les devant et se servir méthodiquement de l’humour comme d’une « arme » pacifique pour favoriser les apprentissages et créer un climat de paix relationnel, non exempt de conflits, mais analysant ceux-ci afin de les comprendre. Par exemple, dans le roman d’Amélie Nothomb Stupeur et tremblements, l’héroïne méconnaissant les problèmes de hiérarchie, devient à la fin de son histoire, balayeuse de toilettes, alors qu’elle était, au début, ingénieur de haut niveau. C’est qu’elle commet des impairs comme aller consoler sa supérieure qui pleurait dans les vestiaires. Ce qui est perçu comme une atteinte à sa dignité. On ne doit pas trop, au Japon, montrer ses émotions en public ! Supposons que, dans un cadre formatif, une telle situation ait pu être élucidée après coup (ou même anticipée). Alors le conflit était sur la voie d’une résolution pacifique au lieu de s’en- venimer. Tel est le sens de notre « géloformation » (formation par le rire) : non pas nier les conflits et leur rôle, mais au contraire les utiliser comme un tremplin pour l’apprentissage, dans le cas des langues en particulier, et du Français langue étrangère (F.L.E.). Non par facilité, mais du fait, au contraire, d’une exigence plus grande de coller au terrain, d’aider à préparer, vivre et réfléchir les conflits réels liés aux représentations différentes du métier et de l’autorité.     Des conflits à l’école – Les rixes du métier Hugues Lethierry Chronique Sociale Paru le : 21/04/2006 Destiné à un large public d’enseignants, étudiants, parents, travailleurs sociaux, l’ouvrage présente ici, avec le maximum de clarté, quelques théories “pratiques ” éclairant d’un jour nouveau des expériences et situations conflictuelles difficiles, vécues au fil des jours au sein de l’école. Stratégie et outils sont construits et proposés, non pour faire des miracles, mais afin de prendre avec philosophie les obstacles rencontrés, pour chercher à les affronter, les contourner et trouver une voie de sortie. Un livre qui ne laisse pas aboulique et sans voix !
Potentialités de l’humour — vers la “géloformation”. Nous proposons (en partant du verbe grec “GELAÒ”) le terme de géloformation” pour désigner la formation dans le rire.
Moins “didactique” que nos précédents ouvrages, ce livre propose une construction de la personne dans l’humour.
Écrire, parler, enseigner, dessiner, exister, travailler, penser dans l’humour c’est possible, en classe et dans l’école, comme ailleurs aussi. Pour un humour “démocritique” !
Un ouvrage qui ne manque pas de sel contre un professionnalisme affadi, aseptisé.

Le livre comporte de nombreux exemples personnels et professionnels.
Non sans sourire (et envoyer quelques charitables piques), il introduit dessins et flash-back qui rendent la lecture plus aisée.
Éducateurs, parents, étudiants, prenez le temps d’interroger nos pratiques pédagogiques en utilisant parfois l’ironie mais surtout l’humour qui permet distanciation et dédramatisation.



(Se) former dans l’humour — Mûrir de rire. L’invitation à l’humour nous donne la possibilité de réguler les tentions et aussi bien d’exorciser la monotonie que la suffisance.
L’humour est conçu pour scintiller.
” L’humour fait-il peur en éducation ? Pour éviter d’en arriver à une telle extrémité, commençons de toute urgence par lire cet ouvrage salutaire…” – Jean HOUSSAYE

” Les descriptions suggestives, les fiches intelligentes, qui sont présentées nous montrent tout ce qu’il est possible de faire pour donner droit de cité à l’humour dans les méandres de la vie scolaire et dans les circonvolutions de relation éducative” – André De PERETTI

Communiquer, écrire, jouer, dessiner, apprendre dans l’humour, c’est possible. Cet ouvrage propose des démarches, les illustrent par de nombreux tableaux, fiches d’activités, dessins. Accessible à tous quelque soit le niveau scolaire, cet outil de travail donnera “de l’oxygène” à la relation éducative. En effet, l’humour conjure le désespoir, fait la nique aux mauvaises “humeur” : où l’on boude et pontifie, il traverse et transperce les ténèbres de l’ennui avec astuce, doigté, intuition parfois.
L’humour conduit à la joie de se dépasser et permet de surmonter les obstacles rencontrés tant par l’élève que l’enseignant dans différentes disciplines. Un livre à lire en riant.